Projets collectifs en cours

L'homme comme animal politique et parlant - Programme pluriannuel EPHE-CNRS-La Sapienza-Ecole Française de Rome. (2012-2016)

Responsables I. Rosier-Catach, G. Briguglia, S. Gentili

http://www.efrome.it/la-recherche/programmes/detail-programme/detail/lhomme-comme-animal-politique-et-parlant-dans-le-contexte-politique-italien-au-moyen-age.html

Le Moyen Âge hérite de sources contradictoires à propos de la socialité de l’homme : l’homme est “par nature” un animal social (Aristote) ; il est à l’origine une sorte de bête qui devient à un certain moment civilisé et social (Cicéron) ; il est un être parfait mais asocial, qui, du fait qu’il a fauté, se voit condamné au remède qu’est la socialité (Augustin). De même pour le langage : il est le “propre de l’homme”, mais l’ange et l’animal également communiquent, il repose sur la convention mais est un acte individuel et volontaire, il permet la communication entre les hommes mais est divisé en de multiples idiomes (Babel), il dépend selon les cas de la nature rationnelle, affective, politique de l’homme. Le lien entre politique et langage, vie en société et nécessité de l’intercommunication, est pensé à travers plusieurs sources, disponibles au Moyen Âge selon une chronologie qui n’est pas celle de leur production (De civitate Dei d’Augustin, l’Ethique d’Aristote, puis la Politique d’Aristote). Chaque modèle politique assigne au langage une fonction et une finalité différentes, qui délimitent des anthropologies particulières. Les questions posées sont toujours à la fois de nature théorique, aussi historique (il faudra en particulier envisager, dans le cadre chrétien, l’Eden, la cité terrestre, la cité céleste, les fractures que représentent le péché originel et Babel) et politique (par exemple, quels sont les êtres/groupes qui sont en deça ou delà de la communauté politico-linguistique ?, tous les degrés de la vie civile, la famille, le quartier, la ville, le royaume, l’Empire, requièrent-ils la même organisation politico-linguistique ?).

Il s’agit donc d’explorer les relations entre socialité et langage de la façon la plus ample, d’analyser leurs conséquences sur la manière d’envisager la communication et la vie commune, la vie solitaire, la félicité, en prenant en compte la circulation des doctrines, des textes, des pratiques et des hommes entre la France et l'Italie. Le contexte italien est particulièrement intéressant pour confronter ces différents modèles anthropologiques. Le modèle cicéronien est important pour les cités italiennes, et il s’agit alors d’un modèle « laïc », où la question théologique du péché n’intervient pas. La relation entre rector et rhetor, entre faculté politique et faculté oratoire, popularisée par la Rettorica de Brunetto Latini à partir de Cicéron, et développée par les intellectuels des « communes » d’Italie en est un indice majeur. C’est en Italie, en effet, que l’on a les premières analyses en vulgaires de ces questions de la socialité. Le travail, complexe et multiple, autour de l’Ethique d’Aristote, réalisé entre Bologne (l’ Etica di Aristotele in volgare de Taddeo Alderotti , traduction du résumé de la Summa Alexandrinorum, résumé de l’Ethique) et Padoue (révision de la Summa Alexandrinorum dirigée par Engelbert d’Adomont) fonde, dans la langue et la littérature italienne, le lexique politique et celui de la philosophie morale, et devient la source constante des grands auteurs, du Convivio de Dante à la Vita solitaria de Pétrarque. L’idéal dantesque de l’homme comme animal politique et parlant chez Dante, devient la cible et l’objet de la réfutation de Pétrarque, qui marque la crise du modèle intellectuel scolastique, fondé sur la vie ‘aristotélicienne’, citadine et universitaire, au sein d’une collectivité urbaine, qui se voit repoussée au profit d’une vie solitaire et « augustinienne ». L’un des points importants des travaux de notre groupe consistera à confronter les œuvres en latin et en vulgaire, qui s’intéressent aux mêmes thèmes, dans leurs multiples dimensions, à la fois spéculative et philosophique, concrète et engagée. Il faudra prendre la mesure des transformations lexicales et conceptuelles opérées dans ces traductions ou adaptations (exemple des termes correspondant au latin politicum, curialitas, nobilitas etc.). Il s’agira d’œuvres relevant de genres littéraires différents, commentaires, opuscules, traités, résumés, poèmes, d’où l’intérêt de constituer ce groupe interdisciplinaire, regroupant des spécialistes de philosophie politique ou de philosophie morale, des italianistes, des linguistes, des historiens.

Les travaux seront publiés dans deux volumes dans la collection de l'Ecole Française de Rome

1ere rencontre : mai 2013
2e rencontre : 6-8 novembre 2014
3e rencontre : 2-4 décembre 2014

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